Table ronde : les métiers de la finance, de l'audit et du contrôle de gestion

Finance

Table ronde : les métiers de la finance, de l’audit et du contrôle de gestion

  • Taher Hamza (TH)
    Professeur en finance, Chef du département droit, finance, contrôle
  • Étienne Valles (EV)
    Consultant pilotage de la performance chez Viséo, Diplômé EM Normandie
  • Nicolas Renée (NR)
    Responsable de projet audit chez Talenz Audit, Diplômé EM Normandie
  • Marie-Anne Thérèse Didi-Kouko (MDK)
    Consultante en contrôle de gestion, Diplômée EM Normandie

Pouvez-vous nous présenter les métiers de la finance ?

TH : Avant de parler de métiers de la finance, il faut relier les domaines de compétences aux cibles d’embauche. Parmi les domaines, nous avons la comptabilité, finance d’entreprise, finance de marché, gestion d’actifs, finance internationale… Les domaines de l’audit, finance et contrôle de gestion sont extrêmement vastes.  

En ce qui concerne les cibles, j’en vois trois : les entreprises de toutes tailles, les institutions financières (banques, assurances, courtiers…) et les métiers du conseil

En quoi consiste le pilotage de la performance ?

EV : Je travaille avec de grands groupes, implantés dans différents pays. Anaplan est une solution de planification. Elle permet de planifier et globaliser tout ce qui touche au reporting, contrôle de gestion, comptabilité et à la finance d’entreprise d’une société. 

C’est une solution basée dans le Cloud. Les serveurs ne sont pas physiquement présents dans les entreprises mais externalisés. Cela permet à tous les acteurs de l’entreprise de travailler partout dans le monde. 

Je suis conseiller auprès de ces entreprises. Une équipe réalise en amont un Business Process Reengineering (BPR) puis la solution est intégrée chez le client. C’est généralement à ce moment que j’interviens. 

Avant d’installer la solution, le client exprime ses besoins en termes de reporting. Dior, par exemple, souhaite connaître le chiffre d’affaires de chacun de ses magasins dans le monde entier. La solution ressemble à un grand tableau Excel dans lequel on va créer des modules personnalisés selon les besoins du client. 

Comment ont évolués les métiers de la finance ces dernières années ?

TH : Beaucoup de choses se sont passées en dix ans, même des choses assez spectaculaires. Certains aspects sont historiques. Par exemple, la financiarisation de l’économie est une tendance de fond qui date de 20 à 25 ans. Par ailleurs, la succession des crises a fortement affecté l’Estate financier. Cela a forcément impacté la finance.   

Deux tendances plus récentes qui ont bouleversé les métiers de la finance sont d’une part la digitalisation (IA, Big Data, robotisation, Cloud…) et d’autre part la dimension climatique, environnementale, RSE et ESG. On parle beaucoup de finance verte, de finance durable et de finance ESG. Sur le marché de l’emploi, on trouve difficilement des professionnels spécialisés dans la Green Finance.  

Qu’est-ce que la finance verte ?

TH : Ce sont tous les montages de financement qui se destinent à des investissements de nature écologique. Cela passe par les circuits financiers classiques mais aussi par les marchés. Aujourd’hui, on appelle obligations vertes (Green Bonds) ces investissements qui passent sur le marché. De plus en plus d’entreprises en France et dans le monde émettent des montants très importants pour ce financement vert. C’est une vraie tendance de fond.  

Pourquoi avoir choisi un métier dans la finance ?

EV : J’ai à la fois choisi le secteur de la finance et un métier dans le digital. Je suis intéressé par la digitalisation de la finance. Cela a commencé par un stage de fin d’études dans lequel je faisais des audits d’acquisition des entreprises. C’était un travail passionnant mais également redondant. Il y avait beaucoup de tâches manuelles et je souhaitais pouvoir les automatiser.  

Pour mon premier job, j’ai choisi un travail dans une startup qui était entrain de créer un outil pour automatiser les audits d’acquisition d’entreprises. C’est pour cela que je me suis dirigé vers la digitalisation de la finance.  

TH : On voit de nombreuses entreprises de FinTech (Financial Technology) qui se créent et qui proposent la numérisation des services financiers. Une partie de ces entreprises sont ensuite rachetées par des banques. La digitalisation des process et des services financiers dans les institutions constitue une vraie tendance de fond très importante.  

Il faut aussi faire la passerelle avec les autres métiers de la finance et avec toutes les évolutions digitales qui ont pris une grande importance dans les domaines de la finance. 

Y a-t-il un profil type pour travailler dans la finance ?

EV : Oui et non. Tout d’abord, quand on sort d’une école de commerce, je pense qu’on est très bien placé pour travailler dans ce domaine. Je pense qu’il faut d’abord avoir une ouverture internationale. On travaille de plus en plus avec de grands groupes implantés partout dans le monde. On utilise aussi des outils qui sont en anglais. 

Il faut également avoir un bon relationnel car on crée un lien assez fort avec le client. On est à la fois consultant et commercial car on essaie de vendre des missions supplémentaires.  

Y a-t-il beaucoup de relationnel dans les métiers de la finance ?

TH : Au niveau de la direction administrative et financière, on gère une équipe de taille importante. La gestion d’équipe et les relations interpersonnelles sont fondamentales. 

Par ailleurs, la finance est un pilier central d’une entreprise. C’est un service qui communique avec toutes les autres fonctions de l’entreprise. Il faut donc avoir de bonnes qualités de communication. 

En quoi consiste le métier d’auditeur ?

NR : Parler des métiers de l’audit reste assez général. J’ai la chance d’être diplômé d’expertise comptable et de commissariat aux comptes, ce qui est assez atypique. 

Quand on parle de commissariat aux comptes, on pense souvent à l’audit légal. Cela consiste à intervenir chaque année en entreprise pour effectuer une mission légale de contrôle des comptes. Cela permet de certifier les comptes de l’entreprise.  

L’audit légal est en effet un aspect important dans nos métiers, mais nos missions ont fondamentalement changé. Avec la digitalisation, on a une certaine hybridation du métier. Tout se mélange. 

L’audit, c’est très large. On peut faire également des audits contractuels, de la conformité fiscale et du contrôle interne. On intervient aussi sur des transactions. 

Comment un cursus en école de commerce permet d’accéder au métier d’auditeur ?

NR : L’école de commerce apporte une compétence très généraliste. Et comme ce métier est polyvalent, l’école nous donne cette vision macro sur les entreprises. Il faut comprendre le système informatique, l’environnement de la direction, la stratégie, les méthodes comptables, l’environnement international… 

En école de commerce, on nous prépare à toutes ces missions. On ne nous forme pas à de la science comptable pure mais plutôt à développer nos soft skills. C’est aussi indispensable d’avoir un bon relationnel, de comprendre ses clients et de savoir s’adapter

TH : Je répète que la relation interpersonnelle est fondamentale dans tous ces métiers de la finance, de l’audit et du contrôle de gestion. En école de commerce, on développe davantage ces soft skills que dans un parcours classique comme le DCG DSCG. C’est une vraie valeur ajoutée. 

Faire une Business School puis compléter par un cursus spécialisé d’expert-comptable permet véritablement de développer toutes ces soft skills. C’est une vraie force et un vrai point de différenciation. À l’embauche, les entreprises du Big 5 voient cette différence et préfèrent embaucher quelqu’un qui est passé par une école de commerce.  

Selon vous, comment va évoluer le métier d’auditeur ces prochaines années ?

NR : On est confronté aujourd’hui à une montée en force de toute l’analyse data. On peut penser la finance en termes de comptabilité pure mais ce n’est plus le cas. Désormais, on s’intéresse beaucoup plus à l’origine de la Data, à la direction qu’elle prend et à son fonctionnement. 

Un commissaire aux comptes ou un auditeur va désormais analyser la donnée, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans. Aujourd’hui, on va comprendre l’environnement informatique en l’analysant. Ce qui est passionnant, c’est que dans le futur, on se focalisera sur l’analyse des données qui permettront, grâce à des stratégies, de repérer les éléments à risque. On sera beaucoup moins à faire du travail administratif mais beaucoup plus sur une approche stratégique. 

TH : Je veux quand-même valoriser les métiers classiques de la finance. Ce service est très proche de la direction générale. Il est fréquent de voir le DAF devenir le PDG de l’entreprise. C’est un métier passionnant car la direction administrative et financière couvre quasiment tous les champs de la finance. Le DAF a une vision centrale de l’entreprise. 

Il y a aussi d’autres métiers classiques mais qui évoluent. Je pense à la gestion de trésorerie, à la relation banques et à l’ingénierie financière. Ce dernier évolue énormément. On parle tous les jours dans l’actualité des montages financiers. 

Il y a également les métiers de marché, de trading, de courtage, de gestion de portefeuilles, de gestion de fonds et le conseil en banque. Tous ces métiers demandent d’avoir un bon relationnel. 

Il ne faut pas oublier non plus le métier d’analyste financier qui est un métier fabuleux. Dans les grandes banques d’investissements et chez les courtiers, l’analyste financier fait de la stratégie, de l’analyse sectorielle, de l’analyse stratégique et de l’analyse financière. C’est probablement le profil le plus complet avec cet aspect stratégique. 

Quels sont les cursus proposés à l’EM Normandie ?

TH : Il existe trois spécialités de Master qui sont « Audit et finance », « Banking, Finance and FinTech » et « Financial Data Management ».  

Ce dernier concerne la gestion de la donnée financière. On analyse cette donnée pour, in fine, aider dans la prise de décisions financière et stratégique. On appelle cela du « Data financial decision ». Utiliser la Data comme base dans les prises de décisions a révolutionné l’architecture des entreprises et cela va continuer de le faire dans les années à venir. 

Quel conseil donneriez-vous à un futur étudiant de l’EM Normandie ?

NR : Je leur dirais d’être curieux, d’avoir envie d’apprendre au quotidien et d’aimer les chiffres bien évidemment. Je fais ce métier d’auditeur depuis plus de 10 ans. Je crois n’avoir eu aucune journée qui était la même. Peu de métiers le proposent et je trouve cela extraordinaire.  

Passer par une école de commerce n’est pas toujours la voie attendue par les recruteurs mais je dirais pour ma part que c’est la voie royale. Il faut avancer et y croire. On s’épanouit chaque jour dans ce domaine.  

En quoi consiste le métier de contrôleur de gestion ?

MDK : Le contrôleur de gestion est comme le « policier » d’une entreprise. Mis en place par la direction générale, il vérifie que le fonctionnement quotidien de l’entreprise est optimal. Son travail permet d’éviter le gaspillage, prévenir les fraudes et sécuriser les actifs de l’entreprise. Le contrôleur de gestion fait un reporting régulier auprès de la direction générale. 

TH : Il évalue la performance à tous les étages de l’entreprise et à travers toute la chaîne de valeur, tous domaines et fonctions confondus. Il fait le tampon entre la direction générale et les fonctions de middle-management. Cela requiert des qualifications extrêmement solides pour avoir cette capacité d’évaluation de la performance. 

MDK : En effet, pour évaluer cette performance, il faut avoir des tableaux de bord. Il évalue pour cela tous les organes de l’entreprise : les achats, la comptabilité, la logistique… Il faut être capable de comprendre la fonction, c’est très polyvalent.  

TH : Cette fonction n’est pas toujours perçue à sa juste valeur. Le contrôleur de gestion joue un rôle majeur dans une entreprise. Il fait le reporting à la direction via les tableaux de bord pour permettre à l’entreprise d’être la plus performante possible. Il mesure et évalue la création de valeur dans une entreprise. 

MDK : Souvent, il n’existe aucun lien hiérarchique entre le directeur financier et le contrôleur de gestion qui est souvent rattaché à la direction générale. Cela permet au contrôleur de gestion d’être indépendant pour pouvoir évaluer chacune des directions.  

Dans certaines entreprises, il est également possible que le directeur financier fasse office de contrôleur de gestion.  

Pourquoi avoir choisi l’alternance pendant votre cursus ?

MDK : Je voulais être en immersion professionnelle pour confirmer mon projet de devenir contrôleur de gestion. Je savais déjà que je voulais faire ce métier car mon grand frère l’exerce également. Je l’entendais au quotidien parler de ses missions. Je me suis orientée naturellement vers ce domaine. 

Par ailleurs, je voulais pouvoir rallier l’acquisition de compétences pratiques en plus de la théorie. L’alternance est la meilleure voie pour réussir ce challenge. 

TH : Quand l’étudiant va sur le terrain, il affronte des problèmes et se retrouve souvent démuni. C’est à ce moment qu’il comprend l’importance de l’enseignement dans l’apport de solutions pour la résolution de problèmes et la prise de décisions. Il connaît mieux ses besoins une fois sur le terrain. 

MDK : Quand j’ai commencé mon alternance, mon responsable m’a demandé d’analyser les SIG. Nous n’avions pas encore abordé cette notion en cours. Peu de temps après, nous avons étudié les les soldes intermédiaires de gestion, les fameux SIG ! On est encore plus concentré en cours quand on sait qu’on a besoin d’une notion spécifique pour être performant dans son poste.   

Comment va évoluer le métier de contrôleur de gestion ?

MDK : Dans les années à venir, le contrôleur de gestion restera le pilier central pour les entreprises qui recherchent de la performance. De nos jours, les entreprises évoluent dans un schéma très concurrentiel, notamment avec la mondialisation. 

TH : Il y a aussi la financiarisation de l’économie, dans laquelle les entreprises doivent suivre des normes de performance. Elles se doivent d’atteindre un niveau de performance extrêmement élevé. Le contrôleur joue un rôle majeur dans cette performance. 

MDK : En effet, il faut optimiser la gestion, planifier les budgets, équilibrer les dépenses… Ce n’est pas une action que l’Intelligence Artificielle peut réaliser même si elle peut aider le contrôleur de gestion dans la gestion de la donnée. On aura toujours besoins de professionnels dans ce secteur. 

Dans mon précédent poste, j’ai été à la fois contrôleur de gestion et des systèmes d’information. C’est le service SI qui fournit la donnée que le contrôleur de gestion va analyser.  

TH : La donnée peut être massive ou non, structurée ou non, auquel cas on apporte des solutions différentes. Il y a par exemple une banque américaine qui possède 120 millions de clients. C’est un vrai exemple de Big Data ! 

Quand la donnée est structurée, il y a des outils de traitement qui permettent de mieux la gérer. Quand elle ne l’est pas, il y a d’autres outils possibles. On peut être amené dans certains univers à utiliser de l’IA. 

Quel conseil donneriez-vous aux futurs étudiants ?

MDK : Pour devenir contrôleur de gestion, il faut avant tout aimer les chiffres. Il faut également avoir un esprit curieux et ouvert, être rigoureux et méthodique. 

C’est un métier qui demande aussi de la polyvalence et de l’endurance. Vous avez souvent des objectifs à atteindre sur des délais courts.  

Dès les études, je pense qu’il faut s’impliquer avec sérieux et détermination dans ses cours. Il est bien aussi de s’engager dans la vie étudiante de l’École car cela permet d’acquérir des aptitudes relationnelles et de se tisser un réseau.  

En tant que contrôleur de gestion, on peut toucher tous les secteurs de l’entreprise. Pour mieux comprendre le secteur des achats, j’ai été amenée à contacter d’autres diplômés qui exercent ce métier. Cela m’a permis de mieux appréhender les processus en entreprise. C’est la force du réseau de l’EM Normandie. 

TH : Pour ma part, je vais parler de contrôle de gestion et de finance. Quand on dit que c’est un métier de chiffres et d’indicateurs, c’est vrai. Mais le plus important, c’est le sens et la compréhension qu’on donne à ces indicateurs. Trouver du sens aide à la décision.  

Aujourd’hui, toutes les tâches sans valeur ajoutée sont externalisées. C’est fini pour les salariés de réaliser des tâches répétitives. 

Le domaine de la finance est très large mais il y a un socle commun de compétences et de qualité à avoir. Tout d’abord, l’esprit d’analyse est fondamental. Pour être capable de résoudre des problèmes et prendre des décisions, il faut également avoir une structuration mentale. La rationalité qu’on retrouve dans le domaine de la finance aide à structurer la pensée. Quand on est structuré, on peut accéder à tous ces métiers de la finance. De nos jours, on parle beaucoup de Design Thinking.  

Je conseille aux étudiants de travailler leur capacité d’analyse et de résolution de problèmes. Il faut aussi avoir de bonnes capacités de travail, une certaine rigueur et une structuration de la pensée. La maîtrise de l’anglais ainsi que des outils informatiques est également un prérequis. 

Toutes ces compétences et prédispositions sont au service d’une ambition et permettent une évolution de carrière. Les moyens de cette ambition se construisent avec le temps.