02 décembre 2024
Disruptechs-Agora (DTA) 2024
Faculté et Recherche
Campus EM Normandie Paris-Clichy
-
Résumé des intervenants
Jérôme Béranger : Applications et éclairages éthiques des IA génératives (de type ChatGPT) en Médecine ?
Avec l’émergence des innovations et des progrès technologiques – illustrée notamment par le développement extrêmement rapide des systèmes d’Intelligence Artificielle Générative (IAGén) de type LLM (Large Language Model) tel que ChatGPT – nous assistons à une transformation progressive de la médecine antique d’Hippocrate et la relation médecin-patient. Ces IAGén en santé porteuses d’enjeux, de risques et d’opportunités, d’espoirs et d’inquiétudes, justifient une vigilance éthique accrue et renforcée. Ces applications digitales qui se multiplient, se diversifient et gagnent en performance chaque jour un peu plus tendent à faire évoluer le rôle et les pratiques du professionnel de santé dans le processus analytique et décisionnel médical. Cette médecine digitale incitera nécessairement le médecin à se former à ces outils numériques afin qu’il puisse apprendre à mieux naviguer dans ce nouvel écosystème de connaissances, tout en conservant son savoir-faire et ses compétences médicales, ainsi que son esprit critique. Dès lors, face à l’arrivée inéluctable des IAGén en médecine, il s’agit dans cet article de s’interroger sur la manière dont nous pouvons appréhender et utiliser cet outil technologique, au travers d’un cadre éthique évolutif, afin de conserver une prise en charge de qualité des usagers de santé.
Philippe Mouillier : Comment la sphère politique peut-elle favoriser le passage du tout curatif (virage ambulatoire ou domiciliaire) au préventif ? + comment réussir une action à long terme ?
Les orientations de nos politiques de santé, essentiellement tournées vers le soin dans sa dimension thérapeutique, doivent être repensées. D’une part, les facteurs environnementaux et comportementaux jouent un rôle majeur dans l’apparition des maladies chroniques, qui représentent la principale cause de mortalité dans le monde. D’autre part, le vieillissement de la population et la chronicisation de certaines pathologies induisent une augmentation continue des dépenses de santé, de même que l’émergence régulière d’innovations diagnostiques et thérapeutiques. Une politique de prévention volontariste permettrait donc de répondre à deux défis majeurs : limiter l’apparition des maladies et donc, améliorer substantiellement l’état de santé de la population ; soulager le système de santé de dépenses lourdes et évitables, dont l’accroissement fait peser un risque sur la viabilité du système de protection sociale français. La prévention constitue donc autant un enjeu de santé publique que de soutenabilité financière à moyen et long terme. Les moyens consacrés à la prévention en santé sont certes en augmentation mais ils souffrent d’un émiettement préjudiciable non seulement à l’efficacité des politiques conduites mais aussi à leur lisibilité, ce qui pose un problème d’efficience de la dépense publique. Enfin, la prévention nécessite plus largement une évolution de la culture sanitaire et une intégration des approches préventives par l’ensemble des professionnels de santé et par la population directement.
Antoine Poignant : Numérique et santé mentale : apports thérapeutiques des DTx et chatbots à l'heure de l'IA générative
Les chatbots et DTx (Digital Therapeutics) en santé mentale, fondés sur l'intelligence artificielle générative (IAGén) gagnent en popularité comme outils de soutien psychologique. Les fonctionnalités sont nombreuses comme le suivi de l'humeur, les exercices de pleine conscience et les techniques de thérapie cognitivo-comportementale. Ces chatbots peuvent compléter utilement les soins classiques, notamment pour les problèmes légers à modérés, en offrant un soutien 24h/24 et en réduisant les barrières d'accès.
Une partie de l’explication de leur efficacité pourrait résider dans la structure du langage. Les processus de langage et la cognition sont impliqués à la fois dans la pathogénie des troubles et dans l’approche thérapeutique des pathologies mentales. La théorie des cadres relationnels postule que le langage et la cognition sont intimement liés à travers des réseaux de relations apprises.
Les modèles de langage de l’IAGén (LLM), entraînés sur de très vastes corpus de textes, peuvent en quelque sorte simuler ces réseaux relationnels. Ils peuvent comprendre et générer du langage en fonction de contextes complexes, ce qui les rend potentiellement capables de travailler avec les concepts clés de la théorie des cadres relationnels (RFT). La thérapie ACT, dérivée de la RFT, utilise des techniques linguistiques pour modifier les relations entre les pensées, les émotions et les comportements.
Aujourd'hui l'intégration des LLM au service de thérapies basées sur le langage comme l'ACT offre de réelles perspectives pour améliorer l'accessibilité et l'efficacité des interventions en santé mentale. Cependant, une approche équilibrée, combinant ces technologies avec l'expertise humaine, reste essentielle pour garantir des soins optimaux et éthiques.
Gérard Raymond : Numérique en santé et patients
Comment le numérique en santé, avec la production de données, modifie le colloque singulier entre soignant et soigné, et engage la représentation citoyenne organisée, associative, en tant qu’acteur du système de santé.
La multiplication d’outils numériques d’accompagnement ou de surveillance pour les personnes atteintes de pathologies chroniques implique une transformation profonde de la relation soignant/soigné. La participation du patient à la compréhension des données qu’il produit, l’implique comme un acteur de sa santé et de ses soins. Cette expertise profane oblige le professionnel de santé à une posture de dialogue et d’écoute. L’utilisation et le partage des données personnelles au sein d’une équipe traitante avec le patient est une garantie de coordination et de pertinence dans la stratégie médicamenteuse et aussi globale de l’accompagnement et du suivi du patient.
La réutilisation des données permet aujourd’hui de développer la recherche. Dans ce domaine, le milieu associatif démontre tous les jours sa participation à la stratégie du numérique en santé grâce à son implication à construire un processus sécurisé et éthique garantissant « la garantie humaine » dans la recherche et dans l’IA.
- Baudier P., Chassy A., Jouannin A., Le Douaron P. et Tim Gérard, « Acceptabilité par les patients d’un pré-diagnostic médical grâce à l’Intelligence Artificielle : le cas d’un Chatbot santé utilisé avant une téléconsultation »
- Elouaer-Mrizak S. et Lébert D., « Un nouveau regard sur la crise de productivité des Big Pharma »
- Masanet S. et Jutand M.A., « Introduction de l’impression 3D dans un service chirurgical : quels effets sur les pratiques professionnelles ? Premiers éléments d’intérêt »
- Lebert D., « The role of bioinformatics in Sanofi's vaccine R&D during the 2010 decade”
- Tavner B. et Serra , “L’implication des équipes hospitalières dans l’expérimentation des armoires robotisées »
- Lombardo E., Quero C. et Billion J., « L'impact des technologies 4.0 sur la santé des personnes handicapées : opportunités et défis pour l'autonomie et l'intégration sociale »
- Bieder C. et Servajean-hilst R., “Innover pour un futur souhaitable du système de santé : le cas de l'intégration de l'ESG et de l'expérience patient dans l’industrie pharmaceutique »
- Josip M. « Disruptive technologies in healthcare – innovative use cases of additive manufacturing”
Conférence internationale sur le thème : ‘Disruptive Technologies & Healthcare’
Lundi 2 décembre 2024
sur le Campus EM Normandie Paris-Clichy
Organisée en partenariat avec la Fabrique du Futur et le Réseau de Recherche sur l’Innovation (RRI)
Thèmes principaux de la conférence DTA24
Les technologies perturbatrices changent notre façon de vivre, de travailler, d'apprendre et d'interagir. Les progrès réalisés dans les domaines de l'intelligence artificielle (IA), de l'internet des objets (IoT), de la blockchain, de la robotique, de l'impression 3D, de la fabrication additive, etc. transforment les modèles d'affaires et les compétences des organisations privées et publiques, mettant en évidence les besoins d'adaptation à différents niveaux -individuel, collectif, organisationnel et sociétal. Ces technologies de l'industrie 4.0 sont susceptibles d'apporter aux individus, aux organisations et à la société dans son ensemble d'énormes avantages, tels que la rapidité, l'efficacité, la sécurité, la transparence et la traçabilité. Mais elles sont également susceptibles de répondre à diverses attentes et préoccupations auxquelles les précédentes éditions des conférences DisrupTech Agora (DTA) ont cherché à répondre (par exemple, l'éthique, l'appropriabilité, la résilience, la durabilité).
L'objectif de la conférence DTA 2024 (DTA24) est d'examiner de manière critique les impacts des technologies disruptives en se concentrant sur le secteur de la santé.
Ce dernier est un cas particulier car il est profondément affecté par une série de technologies nouvelles et émergentes tout au long du cycle de vie du processus de soins de santé, depuis le développement de nouvelles molécules en amont jusqu'aux soins et à la gestion des patients en aval. Il en ressort des thèmes de recherche intéressants et des questions pratiques pour les acteurs de la santé en tant que pratique professionnelle, secteur économique et champ d'application technologique.
Programme de la conférence DTA24
Depuis 2021 et sa première édition, les conférences DTA rassemblent les points de vue des praticiens et des chercheurs sur le thème des nouvelles technologies et de leurs effets sur les individus, les organisations et la société. Cette année, la conférence DTA24 est composée de deux parties. La première partie est consacrée à deux éminents orateurs, un chercheur et un praticien, qui offriront au public un dialogue ouvert et constructif sur la manière dont les nouvelles technologies modifient actuellement la façon dont les professionnels de la santé travaillent. La première partie de la conférence prend la forme d’une table ronde. La deuxième partie de la conférence est consacrée à des présentations académiques sous la forme d'un séminaire de recherche. Les auteurs des communications sélectionnées auront l'opportunité d'assister les orateurs principaux, les conférences et les tables rondes, et d'être publiés dans un numéro spécial de la revue partenaire du DTA24 : Innovations - Revue d'Economie et de Management de l'Innovation (I-REMI), en français.
Télécharger le "Call for papers" de la revue
Table ronde - Numérique et Santé : Innovations Thérapeutiques, Défis Éthiques et Politiques de Prévention
La table-ronde se déroulera de 10h à 12h. Elle sera co-animée par Corinne Grenier et Angélique Chassy.
La table ronde sera suivie d'un déjeuner avec les participants afin de poursuivre les échanges.
Participants
Jérôme Béranger
Economiste de la santé, docteur en éthique du digital et conférencier, Jérôme Béranger est le co-fondateur et le CEO de la société GoodAlgo spécialisée dans l’accompagnement algorithmique, la valorisation de la donnée et l’évaluation éthique des projets digitaux. Il est également chercheur (PhD) associé au CERPOP à l’INSERM de l’Université de Toulouse 3, et expert « IA & Ethique » pour l’Institut EuropIA. Ses recherches sont centrées sur l'approche morale et sociétale de la révolution digitale. Il a publié plusieurs ouvrages sur le sujet, notamment « La responsabilité sociétale de l’Intelligence Artificielle » (ISTE, Mars 2021) et « L'IA consciente n'est plus une utopie ! » (De Boeck Supérieur, Mai 2024). Il siège dans plusieurs comités scientifiques ou d’éthique au sein de structures privées et publics nationaux (notamment le Conseil du Numérique en Santé et le Comité Stratégique de Filière CSF : « Numérique de confiance »). Enfin, il est membre du Conseil d’Administration de la Fondation Persée dédiée à l’innovation dans la recherche en cancérologie sur le territoire des Pays de la Loire.
Philippe Mouillier
Philippe Mouiller est né à Roanne (Loire) le 20 septembre 1969.
Il débute sa vie politique en devenant maire de Moncoutant (Deux-Sèvres) puis conseiller régional de Poitou-Charentes. Il est ensuite élu Sénateur en septembre 2014.
Membre de la Commission des Affaires Sociales du Sénat depuis le début de son mandat, il se spécialise dans le domaine du médico-social. Il produit plusieurs rapports et est à l’origine de plusieurs propositions de loi dans ce domaine. Il crée le groupe d’études sur le Handicap en janvier 2023.
Il est membre du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées, et du Haut Conseil du Financement de la Protection Sociale pendant 3 ans.
Il est élu Président de la Commission des Affaires Sociales en 2023 et devient membre du comité de surveillance de la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale et du Fonds de Réserve pour les Retraites.
Antoine Poignant
Il exerce depuis 20 ans dans le domaine du marketing et des stratégies santé, très impliqué dans la transformation digitale du secteur santé, il est Fondateur de Connected Doctors (marketing services) et de La Blouse Blanche (formation & éditions). Il a contribué au lancement de nombreuses innovations (produits, devices, services) et à la communication institutionnelle sur le marché français et international. Son expertise inclut la communication digitale, les e-stratégies et la transformation numérique du secteur santé vers le Connected Care, à travers l’IA et la télémédecine. Il est Médecin urgentiste de formation (SAMU 77), diplômé de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) en Anthropologie Médicale, dispose d’une maîtrise d’immunologie et immunopathologie humaines, de deux CES en Neurophysiologie et Psychologie Médicale. Il a également suivi le cursus du DU de Génie Biologique et Médical. Passionné de neurosciences et de bouddhisme, Il est un pratiquant des arts martiaux orientaux et un méditant depuis de nombreuses années. Il exerce également en tant qu’hypnothérapeute (combinant hypnose et psychothérapies brèves).
Gérard Raymond
Né en 1949, Gérard RAYMOND voit sa vie basculer en 1984 lorsqu’il est diagnostiqué diabétique de type 1. Il parvient à surmonter les contraintes liées à la maladie par une pratique assidue du sport, ce qui l’amène à créer successivement diverses associations pour promouvoir le développement de l’activité physique et sportive chez les personnes atteintes de diabète. C’est dans ce cadre qu’il met en place un partenariat avec l’Association Française des Diabétiques (AFD) dont il rejoint le bureau national en 1998. Assurant ensuite différents mandats de président et secrétaire général de l’AFD, il impulse une dynamique de transformation au sein de l’association, devenue fédération, jusqu’à la création du Diabète LAB en 2015 dont il est à l’origine.
Il est élu à la tête de France Assos Santé en juin 2019, animé par la volonté de faire passer les associations de patients et d’usagers de la représentation à une participation pleine et entière, afin de devenir force de proposition et prendre leur part de responsabilité dans la construction du système de santé de demain.
Désireux d’élargir les leviers d’action du collectif au-delà du plaidoyer, il est convaincu que les associations doivent s’emparer des usages du numérique en santé pour peser sur les évolutions du système de santé, notamment en réalisant des études spécifiques auprès des patients.
Il défend parallèlement ces causes au sein du Health Data Hub dont il est le vice-président depuis 2019.
En 2021, Gérard RAYMOND a été nommé membre du Conseil économique social et environnemental (CESE) et promu au grade de chevalier de la Légion d’honneur.
Bibliographie : « Quelle santé voulons-nous ? » (2011), éditions Les carnets de l’info.
Séminaire de recherche
Les ateliers se dérouleront de 14h00 à 16h45.
Une pause café sera proposée de 16h00 à 16h15 avant la synthèse des ateliers qui aura lieu de 16h15 à 16h45.
Atelier 1. Nouvelles technologies en santé et pharma : de la bio-informatique, en passant par l'impression 3D, et le Chatbot santé face aux défis de productivité et d'acceptabilité"
Animation : Angélique Chassy
Atelier 2. Santé de demain : robotique, intégration sociale et fabrication additive
Animation : Corinne Grenier
Déroulement de la journée
9h30 - 10h00 : Accueil café
10h00 - 12h00 : Table ronde (avec un temps de pause 10 mn)
12h00 - 14h00 : Déjeuner
14h00 - 16h00 : ateliers de présentation des communications
16h00 - 16h15 : pause café
16h15 - 16h45 : synthèse des ateliers ; perspective pour l’appel à article dans la revue Innovation, conclusion de la journée